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Système Nerveux Humain et Apprentissage

Piaget ( Chapitre Précédent / Suivant )

Image SNH : Piaget

Préambule ( Paragraphe Début / Suivant )


Jean Piaget (1896-1980), psychologue, biologiste et épistémologue suisse de renommée mondiale, a étudié pendant près de quarante ans le développement de l'intelligence chez l'enfant.
Sa théorie de l'apprentissage a le mérite d'une remarquable cohérence interne et d'une assise sur de nombreuses observations et expérimentations [HOU Genèse 125].
Piaget a produit la théorie la plus complète du développement intellectuel, parce qu'elle porte sur la période allant du berceau jusque l'âge adulte et s'efforce de définir les liens de l'intelligence et de la logique avec d'autre fonctions cognitives telles que la mémoire, le langage, la perception, etc. [MON Piaget ou l'intelligence, 13].
A ce jour, aucune autre théorie générale réellement satisfaisante du développement cognitif n'a vu le jour [MON Piaget et les sciences, 22, 262].
Par ailleurs, l'oeuvre de Piaget, parce qu'elle cherche à synthétiser tant de perspectives diverses et parce qu'elle foisonne de faits et d'idées, a le don de faire naître des hypothèses ou de nouvelles directions de recherche [MON Piaget et les sciences, 252].
Piaget, c'est l'école de la liberté, en dehors de la pensée habituée et du conformisme [MON Piaget et les sciences, 260].
Les éléments de la théorie de Jean Piaget, ayant un rapport avec le fonctionnement du système nerveux humain, sont contenus principalement dans huit oeuvres majeures [PIA NI][PIA CR][PIA FS][PIA PI][PIA LE][PIA SP][PIA BC][PIA EC] (voir Bibliographie).

Remarque : Les auteurs cités dans ce chapitre sont mentionnés entre crochets sous la forme [AUTEUR Titre Page]. Voir Bibliographie.

Sommaire de ce chapitre ( Paragraphe Précédent / Suivant )

  1. Figures
  2. Avant-propos
  3. L'assimilation
  4. L'accommodation
  5. Organisation en schèmes
  6. Equilibre entre processus
  7. Intérêt et affectivité
  8. Conditionnement
  9. Perception
  10. Objet, espace, causalité et temps
  11. Langage et représentation mentale
  12. Grandes étapes du développement
    1. Nourrisson - Stade 1
    2. Nourrisson - Stade 2
    3. Nourrisson - Stade 3 à 6
    4. Petite enfance
    5. Enfance
    6. Adolescence

0. Figures ( Paragraphe Précédent / Suivant )

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Image P1 SNH piaget

La Figure P1 ci-dessus illustre de façon simplifié les deux processus d'assimilation et d'accommodation selon Jean Piaget.

1. Avant-propos ( Paragraphe Précédent / Suivant )

Remarques pour bien comprendre Piaget

- L'oeuvre de Piaget se compose d'une soixantaine d'ouvrages et de centaines d'articles, soit plus de 20 000 pages de texte. En introduction à Piaget, il est conseillé de prendre connaissance des concepts essentiels. Un aperçu chronologique de l'oeuvre de Piaget est disponible par exemple dans [MON Piaget ou l'intelligence, p.9].
- Les oeuvres de J. Piaget ont la particularité d'être touffues, pleines de redites et de variations, voire de redéfinitions. Il est conseillé de lire les oeuvres dans l'ordre chronologique de leur parution d'origine.
- En revanche, les mots employés par J. Piaget sont pesés et constants, ce qui autorise avantageusement une recherche plein texte dans les fichiers au format pdf. Un vocabulaire essentiel des termes Piagétiens est disponible par exemple dans [MON Piaget ou l'intelligence, p.79].
- La notion de "schème" est la clef principale pour lire et comprendre ces oeuvres (voir définition au paragraphe Organisation en schèmes puis chapitre Description - Situations).
- La notion d' "incorporation" est à double lecture : il faut lire "alimentation" sur le plan de l'assimilation [PIA EC 13] et "insertion" sur le plan de l'accommodation.

Synthèse

Tout le fonctionnement biologique et mental du Système Nerveux Humain (SNH) repose sur trois idées principales :
- l'existence des deux processus (appelés "assimilation" et "accommodation" ) à la fois complémentaires et antagonistes ;
- l'organisation adéquate des structures internes - mémoire organisée en schèmes sensori-moteurs ;
- l'équilibre toujours plus poussé entre ces deux processus.

De façon simplifiée, le mécanisme de l'apprentissage humain selon Piaget est le suivant (voir Figure P1) :
- La Mémoire est un ensemble de schèmes sensori-moteurs initiaux (innés) puis étendus (acquis). Sur présence d'informations proprioceptives (p) et/ou extéroceptives (e), les schèmes sont sollicités [PIA NI 362].
- Dans la mesure où l'objectif nouveau ressemble à l'ancien, le processus reconnaît (r) le schème - assimilation récognitive ou discriminative. Dans la mesure où l'objectif diffère, le processus généralise (g) le schème - assimilation généralisatrice ou transpositive - et l'accommode [PIA NI 360] en modifiant (m) les schèmes existants par insertion de sensations et de mouvements nouveaux [PIA NI 121].
- L'assimilation produit des décisions d'action (a) orientées dans le sens de la répétition des conduites acquises - assimilation fonctionnelle ou reproductrice [PIA NI 43]. L'accommodation produit des décisions d'action (a) orientées dans le sens du tâtonnement dirigé [PIA NI 350, 361][PIA PI 113].

Selon Piaget [PIA FS 87-88-89], l'activité sensori-motrice est avant tout assimilatrice, c'est-à-dire que, dans le chaos des impressions qui l'assaillent, le nouveau-né cherche avant tout à conserver et à retrouver celles qui accompagnent le fonctionnement de ses organes. Cet effort de répétition constitue des "schèmes", c'est-à-dire des totalités à la fois motrices et perceptives, qui s'entretiennent donc elles-mêmes par assimilation simultanément reproductrice et récognitive.
A ces schèmes, d'abord simplement réflexes (stade I), sont ensuite incorporés une suite indéfinie d'éléments extérieurs, l'assimilation devenant ainsi généralisatrice. Mais cette poursuite n'est jamais achevée : les réalités retrouvées reviennent grosses d'une multitude de nuances ou d'éléments nouveaux, qu'il est possible de négliger d'abord en assimilant le plus des évènements aux schèmes habituels, mais qui font, à la longue, craquer les cadres. Toute conduite devient dès lors bipolaire : assimilation aux schèmes anciens et accommodation de ces schèmes aux conditions nouvelles.
L'assimilation conserve sa fonction primordiale de conserver et de fixer par l'exercice ce qui intéresse l'activité du sujet. Mais lorsque durant cette recherche, surgit une réalité semblable à celle qui est poursuivie mais assez distincte pour nécessiter un effort spécial d'accommodation, le schème ainsi différencié tend alors à retenir la nouveauté comme telle.
C'est cette diversification progressive des schèmes par assimilation et accommodation combinées, qui caractérise les réactions circulaires propres aux stades II et III.
Mais, à ces niveaux, l'assimilation et l'accommodation, quoique orientées en sens inverses, ne sont point activement différenciées, c'est-à-dire que si l'une tend à conserver et que l'autre consiste à modifier les schèmes, cette modification est encore imposée par les réalités assimilées et non pas recherchée pour elle-même [...]
A partir d'un stade IV l'assimilation devient médiate, c'est-à-dire que les schèmes, s'assimilant réciproquement, parviennent à se coordonner de manière telle que les uns servent de moyens à d'autres qui assimilent l'objectif. L'intelligence apparaît ainsi, sous la forme de subordinations de moyens à buts et d'applications des moyens connus aux situations nouvelles.
Dès lors, grâce au jeu même de cette assimilation réciproque des schèmes et des accommodations qu'elle impose, l'univers assimilable s'enrichit de plus en plus, chaque conquête agrandissant le domaine à conquérir encore.
C'est à ce niveau que l'assimilation et l'accommodation commencent à se différencier activement, la première devenant d'autant plus mobile qu'elle augmente son rayon d'action, et la seconde aboutissant à une "exploration" des multiples particularités concrètes qui résistent à cette incorporation générale aux schèmes du sujet. C'est alors, et alors seulement, que se constitue cette fonction spécifique de l'imitation qu'est la reproduction des modèles nouveaux [...] Au cours du stade V l'imitation du nouveau se systématise grâce aux progrès de l'accommodation dans le sens de l'expérimentation active, et, au cours du stade VI, elle atteint même le niveau de l'imitation différée par intériorisation des accommodations.

Une autre synthèse de l'activité sensori-motrice, non rappelée ici, est fournie dans [PIA PI 108-125].

La connaissance procède [...] de l'action, et toute action qui se répéte ou se généralise par application à de nouveaux objets engendre par cela même un "schème", c'est-à-dire une sorte de concept praxique. La liaison fondamentale constitutive de toute connaissance n'est donc pas une simple "association" entre objets, car cette notion néglige la part d'activité due au sujet, mais bien l' "assimilation" des objets à des schèmes de ce sujet. [...] En retour, lorsque les objets sont assimilés aux schèmes de l'action, il y a obligation d'une "accommodation" aux particularités de ces objets, et cette accommodation résulte bien des données extérieures, donc de l'expérience [PIAT TLA 54].

Un organisme, nous dit Bertalanffy, est un "système ouvert", en ce sens précisément qu'il ne conserve sa forme qu'au travers d'un flux continu d'échanges avec le milieu. Or, un système ouvert est un système sans cesse menacé et ce n'est donc pas pour rien que les aspects fondamentaux de la survie, la nutrition et la reproduction, se prolongent en comportements ayant pour résultats d'étendre le milieu utile [PIA BC 329] [...] au-delà des rencontres avec les éléments désirés (nourriture et sexe) ou redoutés (protection) [PIA BC 329].

2. L'assimilation ( Paragraphe Précédent / Suivant )

Premier postulat : Tout schème d'assimilation tend à s'alimenter, c'est-à-dire à s'incorporer les éléments extérieurs à lui et compatibles avec sa nature [PIA EC 13].

L'assimilation du Milieu au SNH est un processus de « digestion » des informations externes (e) et (p) qui modifie le Milieu sans modification de l'organisation interne du SNH.
C'est un processus conservateur en ce sens qu'il tend à incorporer le milieu dans les schèmes de la conduite, ces schèmes n'étant autres que le canevas des actions susceptibles d'être répétées activement [PIA PI 14].
Ainsi, en suçant sa langue ou ses doigts, l'enfant incorpore les sensations nouvelles qu'il éprouve à celles de la succion antérieure (succion du sein, etc.) - en cela il y a assimilation [PIA NI 121].
Etudiant les conduites du jeune enfant, Piaget décrit trois formes de l'assimilation. La première est l'assimilation fonctionnelle. Le réflexe s'affermit et se consolide du fait de son propre fonctionnement [...] Cette assimilation se manifeste par un besoin croissant de répétition caractérisant l'exercice du réflexe. Mais ce besoin de répétition occasionne une incorporation au réflexe d'objets divers et toujours plus variés. C'est l'assimilation généralisatrice.
Ainsi, dans l'exemple de la succion, on voit que l'enfant est amené très tôt à sucer des objets variés, doigts, lainages, etc. Dès les deux premières semaines de la vie, Piaget observe également des comportements qui marquent un léger progrès par rapport aux automatismes élémentaires : il suffit que l'enfant soit affamé pour qu'il discrimine le mamelon par rapport à tout le reste. C'est l'assimilation récognitive, reconnaissance toute pratique et motrice, mais qui témoigne d'un début de connaissance qui ne peut s'expliquer que par le fonctionnement passé du réflexe [DUF Naissance 59].

Au-delà de l'assimilation [...] on peut parler en outre d'assimilation réciproque lorsque deux schèmes ou deux sous-systèmes s'appliqueront aux mêmes objets (par exemple regarder et saisir) ou se coordonnent sans plus avoir besoin de contenu actuel [PIA EC 12].
Les coordinations sont encore innées au début, comme entre la vision et la préhension, mais se doublent ensuite de coordinations acquises [...] L'extension progressive des assimilations caractérisant chaque schème ou ensemble de schèmes conduit à des assimilations réciproques avec interférence des domaines correspondants : d'où les coordinations entre la préhension et la succion, la vision et l'audition, la préhension et la vision, etc., et, de proche en proche, les coordinations entre schèmes particuliers (tirer une couverture pour saisir l'objet posé dessus, etc.), lesquelles constitueront les débuts de l'intelligence sensori-motrice [PIA LE 74].

La protusion de la langue et la succion des doigts constituent les deux premiers exemples d'une conduite qui prolonge l'exercice fonctionnel propre au réflexe (sucer à vide, etc.) [...] C'est ce double aspect d'acquisition et d'activité qui caractérise ce que nous appellerons dorénavant des "réactions circulaires", non pas au sens un peu large de M. Baldwin, mais au sens restreint de M. Wallon : exercice fonctionnel aboutissant au maintien ou à la redécouverte d'un résultat nouveau intéressant [PIA NI 55].

Sur le plan de la conduite, qu'il s'agisse d'un acte déployé à l'extérieur ou intériorisé en pensée, l'assimilation se présente sous la forme de cycles de mouvements ou d'actes s'entraînant les uns les autres et se refermant sur eux-mêmes [PIA NI 129].
Un objet est perçu et compris, non pas seulement comme étant saisi lorsqu'il l'est, mais comme pouvant être saisi lorsqu'il ne l'est pas encore [PIA FS 288].
C'est parce que les objets aperçus par l'enfant sont ainsi assimilés à l'acte de prendre, c'est-à-dire parce qu'ils ont déclenché le besoin de saisir et permettent de l'assouvir, que la main se tend vers eux, et non pas parce qu'une association s'est établie entre une image visuelle et le réflexe de préhension [PIA NI 117].
Impliquer c'est attendre, et c'est tendre vers ce que l'on attend : dans la mesure où l'attente n'est pas déçue, l'accommodation est inutile [PIA NI 350].
Mais l'assimilation ne peut jamais être pure, parce qu'en incorporant les éléments nouveaux dans les schèmes antérieurs, l'intelligence modifie sans cesse ces derniers pour les ajuster aux nouvelles données - travail d'accommodation [PIA NI 13].

3. L'accommodation ( Paragraphe Précédent / Suivant )

Deuxième postulat : Tout schème d'assimilation est obligé de s'accommoder aux éléments qu'il assimile, c'est-à-dire de se modifier en fonction de leurs particularités, mais sans perdre pour autant sa continuité (donc sa fermeture en tant que cycle de processus interdépendants), ni ses pouvoirs antérieurs d'assimilation [...] Selon qu'il y a accommodation à des objets extérieurs ou à d'autres schèmes (lors des assimilations réciproques), ces changements peuvent être exogènes ou endogènes et comporter des parts très variables de transformations [PIA EC 13].

L'accommodation du SNH au Milieu est un processus qui, en cas d'échec de l'assimilation immédiate, modifie l'organisation interne du SNH.
C'est un processus source de changements en ce sens qu'il tend à réajuster les schèmes en fonction des contraintes du milieu [DUF Naissance 60].
Ainsi, en suçant sa langue ou ses doigts, l'enfant insère les mouvements de protrusion de la langue ou d'adduction du pouce dans la totalité déjà organisée des mouvements de succion - et c'est ce qui constitue l'accommodation [PIA NI 122].
L'accommodation est précisément cette incorporation de mouvements et d'éléments sensoriels dans les schèmes déjà constitués [PIA NI 121].

Les assimilations réciproques s'accompagnent d'accommodations également réciproques [PIA EC 12].

Sur le plan de la conduite, l'accommodation se présente sous la forme d'un tâtonnement, d'un effort pour retrouver la nouveauté récemment découverte [PIA NI 76].
L'acte assouvit un besoin réel qui n'est pas autre chose, au début, que le vide créé par la découverte fortuite d'un résultat intéressant, et intéressant parce que directement assimilable [PIA NI 130].
Ce tâtonnement peut être purement sensori-moteur ou s'intérioriser sous forme d' « essais » de la pensée seule, mais sa fonction est toujours la même : inventer des solutions que l'expérience sélectionnera après coup [PIA PI 103].
A la fois dirigé par le schème qui assigne un but à l'action, et par le schème choisi à titre de moyen initial, le tâtonnement est en outre sans cesse orienté, au cours des essais successifs, par les schèmes susceptibles de donner une signification aux événements fortuits, ainsi utilisés intelligemment [PIA PI 113].
Lors des répétitions le sujet anticipe ses échecs et ses réussites. Autrement dit, chaque essai agit sur le suivant non pas comme un canal ouvrant la voie à de nouveaux mouvements, mais comme un schème permettant d'attribuer des significations aux essais ultérieurs [PIA PI 106].

Les anticipations reposent sur des indices (dont les formes initiales sont très précoces et se reconnaissent dès les régulations de la tétée du nouveau-né pendant la première semaine), et les indices se coordonnent selon une loi qu'on a appelée de "transfert" ou mieux de "récurrence" : a annonce x, puis b précédant a annonce a et x, puis c encore antérieur annonce b, a et x, etc. (cf les indices sonores annonçant le repas du nourrisson) [PIA EC 41].

Il y a deux manières d'entendre le tâtonnement. Ou bien l'on admet que l'activité tâtonnante est d'emblée dirigée par une compréhension relative de la situation extérieure, et alors le tâtonnement n'est jamais pur, le rôle du hasard devient secondaire, et cette solution s'identifie avec celle de l'assimilation (le tâtonnement se réduisant à une accommodation progressive des schèmes assimilateurs) ; ou bien l'on admet un tâtonnement pur, c'est-à-dire s'effectuant au hasard et avec sélection après coup des démarches favorables [PIA NI 347].
Deux cas sont donc possibles, quant à la succession des deux types de tâtonnement. Dans le premier, le sujet n'adopte la méthode du tâtonnement pur, par "essais et erreurs" qu'après avoir épuisé les ressources de la recherche dirigée [...] Dans un tel cas, il est clair que le tâtonnement pur prolonge la recherche dirigée [...] Mais il est un second cas : c'est celui où le problème est absolument nouveau pour le sujet et où le tâtonnement non systématique semble apparaître avant la recherche dirigée [...] La tâtonnement non systématique n'est alors qu'une conduite sporadique apparaissant en marge de l'intelligence et prolongeant l'attitude de recherche tâtonnante commune à tous les stades (exercice réflexe, réaction circulaire, etc.) [PIA NI 351, 352].

Le bébé qui apprend à sucer (stade 1) ne retient rien d'extérieur à l'acte même de sucer : il ne conserve sans doute la trace ni des objets ni des tableaux sensoriels sur lesquels ont porté les essais successifs. Il enregistre simplement la suite de ces essais, à titre de purs actes se conditionnant les uns les autres [PIA NI 41].

Dans le domaine de la vision sont donnés dès la naissance la perception de la lumière et, par conséquent, les réflexes assurant l'adaptation de cette perception (réflexe pupillaire et réflexe palpébral, tous deux à l'éclairement, accommodation du cristallin, réflexe pupillaire à la distance, convergence binoculaire).
Tout le reste (perception des formes, grandeurs, positions, distances, relief, etc.) est acquis par la combinaison de l'activité réflexe avec les activités supérieures. Or les conduites relatives à la perception de la lumière impliquent, comme la succion, mais à un beaucoup plus faible degré, une sorte d'apprentissage réflexe et de recherche proprement dite [...] La lumière est alors un excitant pour l'activité visuelle, d'où une tendance à conserver la perception lumineuse (assimilation) et un tâtonnement pour la retrouver quand elle s'évanouit (accommodation). Mais rien d'acquis ne se superpose sans doute encore à cette adaptation réflexe [PIA NI 61].

Dans le domaine de la préhension, lorsque le hochet cesse de remuer, il s'ensuit un vide que l'enfant cherche aussitôt à combler, et il le fait en utilisant les mouvements qui viennent d'être exécutés [PIA NI 162].
Plus tard, l'enfant présente une conduite imprévue : il recherche par une sorte d'expérimentation, en quoi l'objet ou l'évènement est nouveau. Il va non seulement subir mais encore provoquer les résultats nouveaux au lieu de se contenter de les reproduire sans plus, une fois qu'ils se seront manifestés par hasard [PIA NI 234].
L'effort de l'enfant ne consistera plus seulement à faire rentrer les choses dans les schèmes connus, mais encore, en cas d'échec de l'assimilation immédiate, à découvrir quelles sont les propriétés de ces centres de forces [PIA NI 243].

4. Organisation en schèmes ( Paragraphe Précédent / Suivant )

4.1. Schèmes sensori-moteurs (schèmes réflexe puis schèmes d'action)

On appelle sensori-motrices les activités ne faisant intervenir que la perception, les attitudes (tonus) et les mouvements, et intelligence sensori-motrice la capacité de résoudre les problèmes pratiques au moyen de telles activités, avant l'apparition du langage [PIA LE 46].

Nous appelons schèmes sensori-moteurs les organisations sensori-motrices susceptibles d'application à un ensemble de situations analogues et témoignant ainsi d'assimilations reproductrices (répétition des mêmes activités), récognitives (reconnaître les objets en leur attribuant une signification en fonction du schème) et généralisatrices (avec différenciations en fonction de situations nouvelles) [PIA LE 46].

Le schème sensori-moteur est un système, défini et clos [PIA NI 330], de mouvements et de perceptions coordonnés entre eux, qui constituent toute conduite élémentaire susceptible de se répéter et de s'appliquer à de nouvelles situations : par exemple saisir un objet, le déplacer, le secouer, etc. [PIA FS 288][PIA BC 24]. C'est donc une sorte de concept sensori-moteur [PIA NI 336] qui résulte d'une association entre des mouvements et des éléments sensoriels [PIA NI 119].

L'organisation est l'aspect intérieur du fonctionnement des schèmes auquel l'assimilation tend à réduire le milieu extérieur. Elle est donc, si l'on veut, une adaptation interne, dont l'accommodation et l'assimilation réunies constituent l'expression extérieure [PIA NI 159].

Au début, ces mouvements et ces perceptions ne font qu'un. Un cycle réflexe est toujours à leur point de départ [...] Ensuite (au troisième stade), ils s'organisent en schèmes d'actions et constituent une intelligence toute pratique qui porte sur la manipulation d'objets. Par exemple, saisir une baguette pour attirer un objet éloigné est un acte d'intelligence parce qu'un moyen est coordonné à un but posé d'avance, et qu'il a fallu comprendre au préalable la relation du bâton et de l'objectif pour découvrir ce moyen [PIA SP 21].

L'ouverture, c'est donc le système des échanges avec le milieu, mais cela n'exclut en rien la fermeture au sens d'un ordre cyclique et non pas linéaire [...] Appelons A, B, C... Z les éléments, matériels ou dynamiques, d'une structure comportant un ordre cyclique, et A', B', C'... Z' les éléments, matériels ou énergétiques, nécessaires à leur entretien. On aura alors, si le signe x représente l'interaction des termes du premier ensemble et de ceux du second, et si le signe --> représente l'aboutissement de ces interactions :
(prop.1)     (A x A') --> (B x B') --> (C x C') -->... (Z x Z') --> (A x A') --> etc. [PIA BC 157]

Supposons, en nous référant à cette prop. 1, que le milieu se modifie de manière à remplacer l'élément (ou l'ensemble d'éléments) B' par B" quelque peu différent de B'. De deux choses l'une, alors : ou bien le cycle est interrompu, et l'organisation est détruite faute d'adaptation, ou bien le cycle se conserve tel quel ou se modifie lui-même en substituant par exemple C2 à C mais sans perdre sa forme cyclique. On dira alors qu'il y a eu adaptation au sens d'un processus. [...]
En ce cas , nous dirons qu'il y a accommodation du cycle d'assimilation si ce cycle (prop. 1), en assimilant B", se trouve modifié par cet élément nouveau, de façon telle, par exemple, que l'un de ses élément (C) s'en trouve transformé (en C2). L'accommodation est ainsi solidaire de l'assimilation, et l'on peut dire réciproquement que tout assimilation s'accompagne d'accommodation : si l'assimilation du nouvel élément B" ne modifiait pas C en C2, ce serait simplement que les accommodations antérieures du cycle suffisent, mais le cycle assimilateur n'en serait pas moins accommodé pour autant [PIA BC 169].

Les "schèmes" comportent un ordre cyclique, puisque les différents mouvements A, B, C... portant sur les objets A', B', C'... s'enchaînent les uns aux autres jusqu'à un terme quelconque Z à partir duquel ils recommencent (Z x Z' --> A x A' --> etc.). Mais cette reprise de Z à A peut être plus ou moins rapide (alimentation, etc.) ou différée (nidification, etc.) [PIA BC 174].

Les schèmes d'assimilation initiaux sont à la fois innés, peu nombreux et très généraux quant aux domaines assimilables : sucer (schème qui débordera rapidement les frontières de la seule tétée), regarder, écouter et toucher (avec le réflexe palmaire et une activation ultérieure de plus en plus étendue jusqu'à la préhension intentionnelle) [PIA EC 86].

Les schèmes primaires dérivent des réflexes : voir, attraper, sucer, crier, etc. Les schèmes secondaires issus des précédents sont plus élaborés : tirer, secouer, etc. Ils donneront, à leur tour, naissance à des schèmes encore et toujours plus élaborés [PER Piaget 152].

Les schèmes sensori-moteurs [...] se coordonnent entre eux, mais de manière telle que deux actions réunies en constituent une troisième tout en conservant leur identité propre, donc tout en pouvant se retrouver à l'état isolé [PIA MD 240].

Les actions intelligentes n'atteindront l'équilibre que si elles peuvent indifféremment fonctionner à l'état isolé ou se coordonner entre elles, mais sans que chaque nouvelle coordination altère leurs structures respectives [PIA FR 199].

Dans le cas où des schèmes déjà existants peuvent en d'autres circonstances fonctionner isolément, l'association se surajoute à ces schèmes et les coordonne. Dans le cas contraire où les mouvements et les perceptions ne sont pas antérieurement isolés, l'association apparaît comme constitutive du schème lui-même.
Par exemple, saisir les objets vus constitue une coordination entre schèmes (car saisir les objets indépendamment de la vue constitue, vers 4 mois déjà, un schème autonome, et regarder les objets indépendamment de la préhension est courant dès 1-2 mois). En revanche, mettre le pouce dans la bouche constitue un schème unique et non pas une coordination entre le schème de la succion et les schèmes manuels, parce que, à l'âge où l'enfant apprend à sucer son pouce, il sait sucer autre chose que son pouce mais il ne sait pas accomplir en d'autres circonstances, au moyen de sa main, l'action qu'il exécute en mettant la main dans la bouche [PIA NI 119].

La constitution d'un nouveau schème consiste en une différenciation des schèmes précédents obtenue par accommodation aux situations modifiées ou par combinaisons (assimilations réciproques avec ou sans accommodations nouvelles) multiples et variés [PIA BC 26].
Un schème ne connaît jamais de commencement absolu, mais dérive toujours, par différenciations successives, de schèmes antérieurs qui remontent de proche en proche, jusqu'aux réflexes ou mouvements spontanés initiaux [PIA BC 26].

L'extension d'un schème par l'incorporation de l'élément nouveau entraîne par cela même la formation d'un schème d'ordre supérieur, lequel s'intègre donc le schème inférieur [PIA PI 109].

(Au stade 4) l'assimilation entre les schèmes cesse d'opérer par simple fusion pour donner naissance à des opérations variées d'inclusion ou d'implication hiériarchique, d'interférence et même de négation, c'est-à-dire de multiples dissociations et regroupements [PIA NI 204].

Grâce à leurs assimilations réciproques ainsi qu'à leur accommodation progressive aux diversités du réel, les schèmes se multiplient et se différencient en un réseau toujours plus dense [PIA CR 308].

4.2. Schèmes verbaux

Les premiers schèmes verbaux sont intermédiaires entre les schèmes d'intelligence sensori-motrice et les schèmes conceptuels [PIA FS 232].

4.3. Schèmes représentatifs (ou conceptuels)

L'intelligence sensori-motrice demeure, durant toute l'existence, et sous une forme très analogue à sa structure caractéristique des stades V et VI (dix à dix-huit mois), l'organe essentiel de l'activité perceptive ainsi que l'intermédiaire nécessaire entre les perceptions elles-mêmes et l'intelligence conceptuelle [...] L'orsque apparaît l'intelligence conceptuelle, les schèmes sensori-moteurs, qui en constituent la substructure, restent alors spécialement affectés à la régulation des habitudes motrices et de la perception tout en subissant eux-mêmes peu à peu, par choc en retour, l'influence des schèmes conceptuels et opératoires dans lesquels ils s'intègrent partiellement [PIA FS 77-78-79].

Les schèmes secondaires constituent la première esquisse de ce que seront les "classes" ou les concepts dans l'intelligence réfléchie. Percevoir un objet comme étant "à secouer", "à frotter", etc. c'est, en effet, l'équivalent fonctionnel de l'opération de classification propre à la pensée conceptuelle [...]
En outre, de même que la logique des classes est corrélative de celle des "relations", de même les schèmes secondaires impliquent une mise en relation consciente des choses entre elles [...] L'on sait, en effet, que si les concepts ou "classes" ne structurent la réalité qu'en fonction des ressemblances ou des différences qualitatives des êtres ainsi classés, les "relations", au contraire, impliquent la quantité et conduisent à l'élaboration des séries mathématiques [...]
Par exemple, la relation établie par l'enfant entre l'acte de tirer la chaîne et les mouvements du hochet (obs. 98) conduit d'emblée le sujet à la découverte d'un rapport quantitatif immanent à cette relation : plus est secouée la chaîne et plus violemment s'ébranlent les hochets [PIA NI 163-164]

Les activités logico-mathématiques dont Piaget a décrit la genèse dans les conduites enfantines concernent, en premier lieu, les classifications, les ordonnancements et les dénombrements. Dans la classification le sujet réunit des objets selon leurs ressemblances, leur "égalité" à un ou plusieurs points de vue, etc.
Il établit des systèmes de classes emboîtés ou hiérarchisés (la classe des chats est contenue dans la classe des mammifères qui est dans la classe des vertébrés [...], etc.), en considérant les ressemblances de plus en plus générales entre objets.
Par ailleurs, il établit des systèmes multiplicatifs de classes en considérant simultanément des qualités indépendantes des objets (la classe des objets qui sont à la fois rouges et carrés, la classe des objets qui sont rouges mais pas carrés [...], etc.). Inversement, en se centrant plutôt sur les différences entre objets que sur les ressemblances, le sujet établit des relations. Dans certains cas, il pourra ordonner un ensemble d'objets selon une relation considérée (sérier des baguettes en ordre croissant, ordonner des objets du moins rouge au plus rouge, etc.) ou même selon plusieurs relations (ordonner des feuilles en ordre croissant et simultanément des moins vertes aux plus vertes, etc). Par ailleurs, le sujet peut dénombrer, compter, ranger ou arranger, etc. [DRO Lire 115].

Un "groupement" est un système remplissant les conditions de composition, d'associativité et de réversibilité des groupes (mathématiques), mais tel que chaque élément joue le rôle d'identique par rapport à lui-même [PIA CRN 11].

Le problème est donc de caractériser une structure qui concilie la réversibilité propre au groupe et le système des emboîtements bornés, propre au treillis. C'est cette double exigence que remplit la notion du "groupement". On peut, en effet, concevoir le "groupement", soit comme un treillis rendu réversible gràce à un jeu de dichotomies ou complémentarités hiériarchiques (A et A', B et B', etc.), soit comme un groupe dont la mobilité est restreinte par l'intervention d'emboîtements impliquant les identiques spéciales (tautologies) A Union A = A et A Union B = B, ainsi qu'un principe de contiguïté [PIA ELO 92].

Le problème d'où procède cet essai est donc de comprendre comment se constituent les structures élémentaires de classes, de relations, de nombres, de propositions, etc., formalisées en toute indépendance et autonomie par le logicien et de chercher quels sont leurs rapports avec les "opérations" de la pensée "naturelle" [...]
L'idée centrale en est que le formalisation (du groupement) n'est pas un état, mais un processus, et qu'elle s'appuie, par conséquent, sur des structures qui s'élaborent palier par palier [...] Nous les avons trouvées (les structures les plus élémentaires) dans les opérations de classification et de mise en relation : représentant l'étage le plus simple de la logique des classes et des relations [...] En composant alors les inversions N (déjà à l'oeuvre dans les groupements de classes), les réciprocités R (déjà à l'oeuvre dans les groupements de relations), les corrélatives C (ou inverses de R) et la transformation identique I, on trouve le groupe commutatif (INRC) de quaternalité tel que RN = C, RC = N, NC = R et NRC = I [PIA ELO, XI à XIV].

Le système formel se caractérise également par des lois de groupe et d'un groupe à quatre transformations [...] A une opération telle que "p alors q" correspond ainsi une inverse N, qui est "p et non q", une réciproque R, qui est "q alors p" et une corrélative C qui est l'inverse de la réciproque, soit C = NR = "non p et q". Jointe à la transformation identique I, ces transformations constituent donc un groupe commutatif (INRC) : NR = C ; NC = R ; CR = N et CNR = I [PIA SOC 382].

5. Equilibre entre processus ( Paragraphe Précédent / Suivant )

Contrairement aux êtres inorganisés qui n'assimilent pas à eux le milieu, on peut dire que l'être vivant assimile à lui l'univers entier en même temps qu'il s'y accommode [PIA NI 357].
Par le fait même que l'assimilation et l'accommodation vont toujours de pair, le monde extérieur ni le moi ne sont jamais connus indépendamment l'un de l'autre : le milieu est assimilé à l'activité du sujet en même temps que celle-ci s'accommode à celui-là [PIA NI 124].

A l'origine, les deux processus sont relativement indifférenciés l'un par rapport à l'autre : l'assimilation consiste en l'alimentation des schèmes héréditaires ou acquis, l'accommodation en l'ajustement de ceux-ci au détail des choses assimilées [PIA CR 307].
Peu à peu, dans la mesure où les accommodations nouvelles se multiplient, l'accommodation se dissocie de l'assimilation et l'écart entre le nouveau et le connu diminue de telle sorte que la nouveauté, au lieu de constituer un gêne évité par le sujet, devient un problème et sollicite la recherche. Dès lors, une solidarité toujours plus étroite tend à s'établir entre les deux fonctions toujours mieux différenciées, l'intérêt pour le nouveau étant fonction à la fois des ressemblances et des différences par rapport au connu [PIA CR 310].
Accommodation et assimilation s'acheminent ainsi vers une dépendance réciproque toujours plus étroite [PIA CR 310] induisant une adaptation du sujet toujours plus précise aux diversités du monde réel [PIA SP 18].

Un certain équilibre entre les deux mécanismes est nécessaire. Droz et Rahmy explicitent ce caractère complémentaire, en écrivant que, si l'assimilation l'emporte sur l'accommodation, le sujet fait bien croître le nombre d'objets ou de situations auxquels le schème peut s'appliquer, mais les conduites ne se différencient pas de façon suffisante. Inversement, si l'accommodation l'emporte sur l'assimilation, l'enfant ne fait qu'ajuster ses conduites aux variations momentanées du milieu, mais sans s'assimiler les objets variés auxquels elle s'applique et donc sans approfondir son champ de connaissance [DUF Naissance 61].
L'équilibre ainsi défini n'est pas quelque chose de passif et de statique, mais au contraire quelque chose d'essentiellement actif et mobile [PIA SP 202].
Au maximum d'équilibre correspond, non pas un état de repos, mais un maximum d'activités du sujet qui compenseront d'une part les perturbations actuelles, mais aussi d'autre part les perturbations virtuelles dans la mesure où le sujet est capable d'anticiper les perturbations en se les représentant par des opérations « directes » et de les compenser d'avance par un jeu d'opérations « inverses » [PIA SP 135].

Je voudrais vous montrer [...] comment le sujet passe progressivement d'un état d'équilibre instable à un état d'équilibre de plus en plus stable jusqu'à la compensation complète qui caractérisera l'équilibre [...]
On peut distinguer, en effet, dans le développement de l'intelligence, quatre phases que l'on peut appeler, dans ce langage, des phases de "stratégie". La première est la plus probable au point de départ (la centration sur une seule dimension) ; la seconde (phase) devient la plus probable en fonction des résultats de la première, mais ne l'est pas dès le départ (l'enfant va renverser son jugement [...] soit pour un motif de contraste perceptif, soit pour une insatisfaction subjective) ; la troisième (phase) devient la plus probable en fonction de la seconde, mais pas auparavant (l'enfant va raisonner sur les deux dimensions à la fois mais d'abord il va osciller entre les deux) ; et ainsi de suite (jusqu'à la quatrième phase où l'enfant va s'engager sur la voie de la compensation et la structure va se cristalliser) [PIA SP 206-209].

Partons du développement sensori-moteur [...] Un premier rapport possible entre l'assimilation et l'accommodation est la recherche d'un équilibre entre les deux. Nous parlons, en ce cas, d'adaptation [...] Une seconde possibilité est celle de l'assimilation primant l'accommodation [...] Ce primat de l'assimilation peut ainsi présenter toute une gamme de valeurs distinctes, et, dans le cas extrême il caractérise le jeu [...] Il est enfin une troisième possibilité générale, celle de l'accommodation primant l'assimilation. C'est ce primat qui caractérise l'imitation [PIA FS 289, 290, 291].

Sur le plan de la conduite, le sujet se livre à la conquête d'un milieu toujours plus étendu, grâce à ses schèmes dont le rayon d'action est de plus en plus grand. La perception et les mouvements élémentaires (préhension, etc.) donnent d'abord prise sur les objets proches et dans leur état momentané (période sensori-motrice du nourrisson, stades 1 et 2 ; 0 à 4 mois), puis la mémoire et l'intelligence pratiques permettent à la fois de reconstituer leur état immédiatement antérieur et d'anticiper leurs transformations prochaines (même période, stades 3 à 6 ; 4 mois à 2 ans).
L'intelligence intuitive renforce ensuite ces deux pouvoirs en libérant la pensée des distances spatio-temporelles courtes et des trajets réels, grâce à un développement mental qui répète en décalé l'évolution qui semblait achevée sur le terrain sensori-moteur (période de la petite enfance ; 2 à 7 ans). L'intelligence logique, sous sa forme d'opérations concrètes (période de l'enfance ; 7 à 12 ans) et enfin de déduction abstraite (période de l'adolescence ; 12 ans à l'âge adulte), termine cette évolution en rendant le sujet maître des évènements les plus lointains, dans l'espace et dans le temps [PIA SP 17][PIA PI 130].

Ces organisations cognitives s'orientent constamment, comme les organisations de nature biologique, vers une différenciation et une intégration complémentaires puisque tous les systèmes cognitifs (perception, schèmes sensori-moteurs et surtout conceptuels) se développent toujours dans le double sens d'un affinement différenciateur solidaire de la cohérence croissante [PIA BC 153].

6. Intérêt et affectivité ( Paragraphe Précédent / Suivant )

[...] découverte fortuite d'un résultat intéressant et intéressant parce que directement assimilable [PIA NI 130].
Dès la quatrième et la cinquième semaine, l'enfant regarde un nombre croissant de choses, mais en procédant par ondes concentriques [...] On s'aperçoit alors que le sujet ne regarde ni le trop connu, parce qu'il en est quelque sorte saturé, ni le trop nouveau, parce que cela ne répond à rien dans ses schèmes (par ex. les objets trop éloignés pour qu'il y ait encore accommodation, trop petits ou trop grands pour être analysés, etc.) [PIA NI 66]

A cet égard, les obs. 2, 3, 4 et 5-8 (stade 1) témoignent d'une grande variété de types d'accommodation : la succion de l'édredon, de la couverture, etc., conduisent au rejet, celle du sein à l'acceptation ; la succion d'un épiderme (la main de l'enfant, etc.) conduit à l'acceptation s'il s'agit simplement de sucer pour sucer, mais elle conduit au rejet (par ex. lorsqu'il s'agit d'un endroit du sein autre que le mamelon) si la faim est grande ; l'index paternel (obs. 6) est rejeté lorsque l'enfant est tendu vers le sein, puis accepté à titre de calmant, etc. Dans toutes les conduites, l'apprentissage en fonction du milieu nous paraît évident [PIA NI 33].

Tout d'abord, il peut arriver (stade 3), comme le montre précisément le début de l'observation 107, que l'enfant se trouve incité par les faits extérieurs, à actionner un schème au moment précis où son intérêt est ailleurs et où il agit dejà selon un schème différent : dans ce cas le schème qui vient interférer avec l'action principale sera simplement esquissé tandis que l'activité en cours se poursuivra normalement.
Ensuite, il peut arriver, comme le montre la fin de la même observation 107, que le schème excité par les faits extérieurs soit trop connu pour donner lieu à une action réelle, et se borne ainsi à nouveau à une simple et brève indication. Dans les deux cas, l'esquisse d'activité remplaçant l'activité réelle, équivaut donc à une démarche plus contemplative qu'active, autrement dit à un acte de simple récognition ou de simple classification plus qu'à une action effective [PIA NI 167].

Il vient au contraire un moment (stade 5) où la nouveauté intéresse pour elle-même, ce qui suppose assurément un équipement suffisant de schèmes pour que soient possibles les comparaisons et que le fait nouveau soit assez semblable au connu pour intéresser et assez différent pour échapper à la saturation [...] Ayant ainsi découvert la trajectoire de chute d'un objet, l'enfant cherchera à le lancer de différentes façons ou de points de départs distincts. On peut appeler "réaction circulaire tertiaire" cette assimilation reproductrice avec accommodation différenciée et intentionnelle [PIA PI 112].

L'assimilation se présente sous deux aspects corrélatifs, l'un de compréhension au point de vue des fonctions cognitives, et l'autre d'intérêt ou de valeur au point de vue affectif. Or, les obstacles à l'assimilation demandent un effort particulier, et la victoire sur la difficulté prend une valeur particulière dans l'expansion de l'activité propre [PIA RI 41].

Affectivité et intelligence sont donc indissociables et constituent les deux aspects complémentaires de toute conduite humaine. Celant étant, il est clair qu'au premier stade des techniques réflexes, correspondront les poussées instinctives élémentaires, liées à la nutrition, ainsi que ces sortes de réflexes affectifs que sont les émotions primaires [...]
Les premières peurs, par exemple, peuvent être liées à des pertes d'équilibre ou à des contrastes brusques entre un événement fortuit et l'attitude antérieure. Au second stade (perceptions et habitudes) ainsi qu'aux débuts de l'intelligence sensori-motrice correspondent une série de sentiments élémentaires ou affects perceptifs liés aux modalités de l'activité propre :
l'agréable et le désagréable, le plaisir et la douleur, etc., ainsi que les premiers sentiments de réussite et d'échec [...] Avec le développement de l'intelligence [...] et principalement avec la construction du schème de l' "objet", apparaît un troisième niveau de l'affectivité [...] les sentiments élémentaires de joie et de tristesse, de succès et d'échec, etc., seront alors éprouvés en fonction de cette objectivation même des choses et des personnes [PIA SP 27].

En toute action, le moteur ou l'énergétique sont naturellement de nature affective (besoin et satisfaction) tandis que la structure est de nature cognitive (le schème en tant qu'organisation sensori-motrice). Assimiler un objet à un schème est donc simultanément tendre à satisfaire un besoin et conférer une structure cognitive à l'action [PIA PR 74].

C'est sans doute Pierre Janet qui a défini de la façon la plus claire le rapport des deux sortes de phénomènes en distinguant dans toute action : a) l'action primaire qui est la réaction du sujet aux objets extérieurs (réflexes, habitudes, perception, intelligence) et b) l'action secondaire qui est la réaction du sujet à sa propre action et qui constitue l'affectivité [...]
Le problème de l'économie de l'action consiste donc à ajuster sans cesse les forces disponibles au coût de l'action et c'est ce réglage qui constitue les "régulations" de l' "action secondaire" dont nous parlions à l'instant. Les régulations d'accélération (effort, ardeur et agitations diverses) sont destinées à renforcer l'action primaire par un appel aux réserves d'énergie. Les régulations de freinage (fatigues, dépressions) tendent au contraire à éviter l'épuisement. Quant aux régulations de terminaisons, elles consistent en dépenses de luxe après succès obtenu (joie, jubilations, triomphe) ou en faillites c'est-à-dire en reculs après échecs (tristesse, anxiétés, mélancolies) [PIA TS 16].

Le besoin, disait Claparède, n'oriente pas lui-même la conduite parce qu'il faut toujours un excitant particulier, actuel, pour déclencher une conduite ; cet excitant, c'est l'objet. Mais l'objet lui-même n'oriente rien, et ne déclenche pas de conduite s'il ne correspond pas à un besoin. Il y a donc une liaison entre des besoins d'un côté, des objets de l'autre et ce rapport effectif, c'est l'intérêt [PIA RI 43].

Claparède distingua deux significations de l'intérêt : 1. d'une part, l'intérêt est le "dynamogénisateur" de l'action : les objets qui nous intéressent nous font libérer de l'énergie, alors que le désintérêt interrompt la dépense. C'est là l'aspect régulateur de l'intérêt. 2. d'autre part, l'intérêt constitue la finalité de l'action (choix des objets correspondants à la satisfaction souhaitée). L'intensité de l'intérêt, c'est-à-dire son aspect quantitatif constitue la régulation énergétique des forces. Le contenu de l'intérêt, c'est-à-dire son aspect qualitatif, constitue la valeur selon laquelle s'opère la distribution des fins et des moyens [PIA RI 30].

La théorie de Claparède énonce deux lois de l'intérêt : 1. Toute conduite est dictée par un intérêt. 2. Il peut y avoir plusieurs intérêts en jeu au même instant : l'organisme agit alors selon la ligne de son plus grand intérêt [PIA RI 30].

La faim des stimuli exprime essentiellement le fait qu'au moment où aucun schème particulier n'exerce d'action prédominante (autrement dit lorsque aucun ne se manifeste par un besoin actuel et contraignant) l'animal ne reste pas passif, mais demeure en état de recherche constante d'aliments fonctionnels (stimuli) susceptibles de mettre en exercice l'un ou l'autre de ses schèmes [PIA BC 242].

7. Conditionnement ( Paragraphe Précédent / Suivant )

Les anciens psychologues, et avec eux encore un grand nombre de physiologistes, ne parlent pas d'assimilation mais d' « associations » : le chien de Pavlov « associe » le son de la cloche au contact avec la nourriture et, dans la suite, salive à l'audition du son comme en présence de cette nourriture. Mais l'association n'est qu'un moment partiel, artificiellement découpé dans le processus de l'assimilation.
La preuve en est que le réflexe conditionné n'est pas stable en lui-même et a besoin d'être périodiquement « confirmé » : si l'on se borne à faire entendre la cloche sans plus jamais la faire suivre de nourriture, le chien cesse de saliver à ce signal. Celui-ci n'a donc de sens qu'assimilé à un schème d'ensemble, comprenant le besoin de nourriture au départ et la satisfaction finale, et l' "association" n'est que le produit d'un découpage arbitraire au sein de ce processus plus large [PIA BC 23].

Le réflexe conditionné ne s'explique que par une assimilation de certains signaux aux schèmes réflexes, et le transfert associatif par une assimilation analogue des signaux aux schèmes des divers degrés [PIA CR 271].

Dans les interprétations actuelles, le signal constituerait même plus qu'un indice de nourriture : il serait directement assimilé comme un aspect ou une partie du tout initial "nourriture + signal" par une sorte de remplacement pur et simple du stimulus absolu par le conditionné [PIA EC 91].

8. Perception ( Paragraphe Précédent / Suivant )

Le point de départ du développement mental n'est pas à chercher dans la perception, mais dans le fonctionnement de schèmes sensori-moteurs ; ceux-ci englobent certes des perceptions, mais en les subordonnant d'emblée à des totalités d'échelles supérieures comprenant aussi des postures et des mouvements [PIA LE 73].

Le perception ne constitue pas, répétons-le, le point de départ des comportements, même sous leur aspect cognitif, mais elle se situe au point d'intersection entre l'assimilation des objets à des schèmes antérieurs et l'accommodation de ces schèmes aux particularités de ces objets : c'est entre autres en fonction de la préhension, par exemple, que le bébé évaluera la grandeur de l'objet à saisir, sa distance par rapport à lui, etc.
En particulier toutes les perceptions des données dites "significatives" (par exemple d'une main, d'un bâton, etc.) se réfèrent à des assimilations aux schèmes de l'action en général. Mais comme la plupart des champs perceptifs ou sensoriels (le champ visuel, ou sonore, etc.) débordent largement les frontières de l'action en cours, et comme les diverses espèces de perception fonctionnent, à l'état de veille, de façon quasi ininterrompue [...], il en résulte que la perception est souvent interprétée abusivement comme une sorte de connaissance désintéressée et surtout comme le point de départ des connaissances plus complexes.
En réalité la perception des données parfois appelées (à tort) "non significatives", comme la perception des formes, des grandeurs, etc. (telle qu'on l'étudie par exemple en laboratoire) ne constitue que le cas limite des accommodations du sujet à un ensemble d'événements fortuits, par rapport à lui ou ne présentant que des caractères non utilisables actuellement du point de vue de ses schèmes d'assimilation [...] [PIA LE 74]

A tous les points de vue, la perception ne constitue ainsi qu'un cas particulier des activités sensori-motrices dans leur ensemble [PIA LE 75].

9. Objet, espace, causalité et temps ( Paragraphe Précédent / Suivant )

D'une manière générale, on peut dire que, durant les premiers mois de l'existence, tant que l'assimilation reste centrée sur l'activité organique du sujet, l'univers ne présente ni objets permanents, ni espace objectif, ni temps reliant entre eux les événements comme tels, ni causalité extérieure aux actions propres [...]
Tout au moins, peut-on parler d'un égocentrisme radical pour désigner ce phénoménisme sans conscience de soi, car les tableaux mouvants perçus par le sujet ne sont connus de lui que relativement à son activité élémentaire. A l'autre extrême [...] l'univers est au contraire constitué en une structure à la fois substantielle et spatiale, causale et temporelle. Or cette organisation du réel s'effectue, verrons-nous, dans la mesure où le moi se délivre de lui-même en se découvrant et se situe ainsi comme une chose parmi les choses, un événement parmi les événements [PIA CR 6].

9.1. Objet

La constitution de l'objet est inséparable de celle de l'espace, du temps et de la causalité : un objet est un système de tableaux perceptifs, doué d'une forme spatiale constante au travers de ses déplacements successifs et constituant un terme isolable dans les séries causales se déroulant dans le temps [PIA CR 82].

La permanence de l'objet est due à cette déduction constructive que constitue depuis le quatrième stade l'assimilation réciproque des schèmes secondaires, c'est-à-dire la coordination des schèmes devenus mobiles [PIA CR 83].

Pour que le tableau reconnu devienne un "objet", il faut qu'il se dissocie de l'action propre et soit situé dans un contexte de relations spatiales et causales indépendantes de l'activité immédiate. Le critère de cette objectivation, donc de cette rupture de continuité entre les choses perçues et les schèmes sensori-moteurs élémentaires, c'est l'apparition des conduites relatives aux tableaux absents [PIA CR 12].

L'action propre cesse d'être la source de l'univers extérieur, pour devenir simplement un facteur parmi les autres, encore un facteur central sans doute, mais situé à la même échelle que les éléments divers dont est fait le milieu ambiant. C'est ainsi que l'enfant situe dorénavant les mouvements de sa main parmi ceux des corps externes, en dotant ces derniers d'une activité complémentaire à la sienne [PIA CR 82].

9.2. Espace

L'espace est une organisation des mouvements telle qu'elle imprime aux perceptions des formes toujours plus cohérentes [PIA CR 189].

"La seule chose que nous connaissons directement, dit Poincaré, c'est la position relative des objets par rapport à notre corps", car "localiser un objet, cela veut dire simplement se représenter les mouvements qu'il faudrait faire pour l'atteindre" : quant aux positions des objets les uns par rapport aux autres, nous les inférons à partir de ces données premières [PIA CR 129].

Parmi les changements qui se présentent dans le monde extérieur, les uns peuvent être corrigés grâce à des mouvements du corps qui ramènent la perception à son état initial (par exemple tourner la tête pour retrouver l'objet qui a passé devant les yeux), les autres ne le peuvent pas : les premiers constituent donc les changements de position, les seconds les changements d'état [...]
En premier lieu, pour qu'un changement de position soit distingué d'un changement d'état, il importe que le sujet soit capable de concevoir l'univers extérieur comme solide, c'est-à-dire composé d'objets substantiels et permanents, sans quoi l'acte de retrouver un tableau déplacé se confondra, dans la conscience du sujet, avec l'acte de le recréer [...]
En second lieu [...], il faut que l'univers extérieur soit distingué de l'activité propre [...] Nous sommes bien avertis, nous dit Poincaré, des changements de position par les sensations musculaires qui nous renseignent sur nos mouvements [...] En troisième lieu [...], concevoir un changement de position revient à se situer soi-même dans un champ spatial conçu comme extérieur au corps propre et comme indépendant de l'action. Cela consiste donc à comprendre qu'en retrouvant l'objet déplacé on se déplace à titre d'observateur localisé dans l'espace, le déplacement de l'objet et celui du sujet étant relatifs l'un à l'autre [PIA CR 91-92-93].

On ne peut contester l'existence de deux données fondamentales : d'une part, le fonctionnement même de l'assimilation biologique et psychologique implique a priori une organisation par "groupes" et, d'autre part, les organes de perception appliquent, dès le début de leur activité, cette organisation aux déplacements qu'ils perçoivent [...]
Constitue un "groupe" tout système d'opérations fermé sur lui-même, c'est-à-dire tel qu'il soit possible de revenir au point de départ par une opération faisant partie du système [...] On peut même aller jusqu'à dire que tout acte d'assimilation, c'est-à-dire tout rapport entre l'organisation du sujet et le milieu externe, suppose un système d'opérations ordonnées en "groupes" : en effet, l'assimilation est toujours reproduction, c'est-à-dire qu'elle implique une réversibilité, ou un retour possible au point de départ, lesquels définissent précisément le "groupe" [PIA CR 182].

Aux premiers stades de la notion d'objet (aucune conduite relative aux objets disparus) correspond un état initial durant lequel l'espace consiste en "groupes" hétérogènes (chaque faisceau perspectif constitue un espace propre) et purement pratiques [...]
Au troisième stade de la notion d'objet (début de permanence prolongeant les mouvements d'accommodation) correspond un espace dont les groupes se coordonnent entre eux et deviennent "subjectifs". Les groupes se coordonnent sous l'influence de la préhension (laquelle relie l'espace visuel à l'espace tactile et à l'espace gustatif) [...] Ces "groupes", quoique perçus dans l'univers, demeurent victimes de l'apparence sensorielle et relatifs, à l'insu du sujet, à la perspective propre de l'enfant. Aussi les appelons-nous "subjectifs" [...]
Au quatrième stade de la notion d'objet (recherche active de l'objet disparu, mais en une position privilégiée et sans tenir compte de ses déplacements successifs) correspond un progrès essentiel dans la notion de groupe : l'enfant devient capable de cacher et de retrouver, etc [...] C'est donc le stade du "groupe des opérations simplement réversibles" [...]
Au cinquième stade de la notion d'objet (permanence de l'objet au travers de ses déplacements) correspond enfin l'avènement du groupe "objectif", et au sixième stade (représentation des déplacements non visibles) correspond l'élaboration des groupes "représentatifs" [PIA CR 88-89].

[Aux deux premiers stades] voyons cela de plus près, en examinant les différents "groupes" [...] [Pour l'espace buccal] on peut distinguer trois ensembles de faits, les déplacements de la bouche dans la recherche du mamelon, l'ajustement réciproque du pouce et de la bouche, et l'ajustement des objets saisis en vue de la succion [PIA CR 94] [...]
[Pour l'espace visuel] les principaux groupes pratiques dans lequel l'enfant se trouve inséré à son insu, grâce à ses accommodations visuelles, sont, nous semble-t-il, ceux qui résultent des trois opérations suivantes : suivre les mouvements de translation, retrouver la position des objets et évaluer les distances en profondeur [...]
En ce qui concerne la localisation des objets disparus, nous avons vu comment l'enfant [...] sait les retrouver, soit en prolongeant le mouvement de l'objectif disparu soit en le replaçant dans la position initiale [...] Quand à l'évaluation visuelle des profondeurs [...] au moindre de mes mouvements latéraux de tête je vois ma table se déplacer au maximum, les arbres un peu moins et la montagne fort peu [PIA CR 96-97] [...] [Pour les espaces auditif, tactile, kinesthésique] [...] [l'enfant] est capable de suivre un déplacement ou de retrouver une position liée à ses propres attitudes, mais non pas d'objectiver ces données en groupes indépendants de l'action [PIA CR 99].

[Au troisième stade] avec la coordination de la préhension et de la vision [...] l'espace, jusque-là non extériorisé, se dissocie en deux zones, l'espace proche accessible à la construction de groupes subjectifs relatifs à la profondeur, et l' "espace lointain" qui hérite de tous les résidus de l'espace des premiers stades (absence de plans de profondeur et de groupes subjectifs) [PIA CR 127].

Les diverses acquisitions du quatrième stade transforment cet état de choses [...] En ce qui concerne l'"espace proche" [...] l'enfant cherche les objets les uns derrière les autres et inaugure ainsi une ordination effective des plans de profondeur : les choses ne sont plus seulement "en avant" ou "en arrière", elles sont "par devant" ou "par derrière" tel ou tel point de repère, et elles subsistent même lorsque des écrans proprement dits les masquent [...] [Cette] ordination en profondeur des plans de l'espace proche et surtout la recherche des objectifs masqués par des écrans se généralisent peu à peu jusqu'à s'appliquer, par extension croissante, à l' "espace lointain" lui-même [PIA CR 149-150].

Le sujet de ce stade [quatrième stade] demeure égocentrique, géométriquement parlant : il ne conçoit pas encore les positions et les déplacements comme relatifs les uns des autres, mais uniquement comme relatifs à lui [PIA CR 160].

[Au cinquième stade] l'enfant perçoit les relations spatiales entre les choses, mais il ne se les représente point encore en l'absence de tout contact direct. Il en est naturellement de même en ce qui concerne son propre corps [...] Il n'est point encore un objet comme les autres dont les déplacements sont relatifs aux autres [PIA CR 175-176].

[Au sixième stade] l'état terminal est au contraire celui d'un monde solide et vaste obéissant à des lois de conservation physiques (objets) et cinématiques (groupes) et dans lequel le sujet se situe consciemment à titre d'élément [PIA CR 191].

9.3. Causalité

Le point de départ de la causalité [aux deux premiers stades] nous semble à chercher dans un sentiment diffus d'efficace qui accompagnerait l'activité propre, mais qui serait localisé par l'enfant, non pas en un moi, mais au point d'aboutissement de l'action elle-même [PIA CR 199].

Soit, par exemple, un objet A, lequel, pour l'observateur, est cause de l'effet B. L'enfant qui s'intéresse à B regarde l'ensemble A X B, jusqu'au moment où A cesse de produire B. [Au troisième stade] comment l'enfant s'y prendra-t-il pour faire durer le phénomène ? [...] Il ne s'agit pas pour lui d'une séquence causale entre la personne A et l'effet B mais uniquement d'un rapport de causalité entre sa propre action et le complexus A X B [PIA CR 212-213].

Durant ce quatrième stade, l'enfant cesse de considérer sa propre action comme seule source de causalité, pour attribuer au corps d'autrui un ensemble de pouvoirs particuliers [...] L'enfant ne cherche plus à produire lui-même le résultat désiré : il déclenche simplement un intermédiaire conçu comme capable d'engendrer comme tel ce résultat [PIA CR 228-230].

[Au cinquième stade] il y a donc pour la première fois série causale détachée de l'action propre, autrement dit relation de cause à effet entre un objet extérieur et autre objet également extérieur [PIA CR 244].

L'enfant du sixième stade devient apte à reconstituer des causes en présence de leurs seuls effets, et sans avoir perçu l'action comme telle de ces causes. Inversement, il devient capable, étant donné un certain objet perçu comme source d'actions virtuelles, de prévoir et de se représenter ses effets futurs [PIA CR 256-257].

9.4. Temps

Le temps caractéristique des deux premiers stades est un temps pratique, reliant entre eux les mouvements successifs d'un même schème [PIA CR 286].

A partir du troisième stade [...] les "séries" temporelles débordent les rapports purement pratiques que soutiennent entre eux les actes et les gestes propres pour s'appliquer désormais aux événements extérieurs eux-mêmes. Seulement, cette extension du temps aux mouvements des choses demeure subordonnée à une condition essentielle : elle n'a lieu que dans la mesure où ces mouvements dépendent de l'action propre [PIA CR 286].

[Au quatrième stade] les conduites dont nous parlons maintenant consistent à ordonner le temps des événements indépendants de l'action propre : l'enfant perçoit un objet (tableau O), puis il perçoit un écran venant masquer cet objet (tableau P), mais, tout en percevant P, il garde le souvenir du tableau O et agit en conséquence [PIA CR 296].

Avec les conduites du cinquième stade [...] le temps cesse d'être simplement le schème nécessaire de toute action reliant le sujet à l'objet pour devenir le milieu général englobant le sujet au même titre que l'objet [PIA CR 299].

Enfin, avec le sixième stade [...] l'enfant, devenant capable d'évoquer des souvenirs non liés à la perception directe, parvient par cela même à les situer dans un temps qui englobe toute l'histoire de son univers [PIA CR 306].

10. Langage et représentation mentale ( Paragraphe Précédent / Suivant )

10.1. Langage

Sitôt en possession des demi-signes décrits dans les obs. 101-102, l'enfant apprendra rapidement à parler, selon le déroulement bien connu depuis Stern, des mots-phrases, des phrases à deux mots et des phrases complètes, rapidement juxtaposées les unes aux autres [PIA FS 236].

Le langage initial est fait avant tout d'ordres et d'expressions de désir. Le dénomination, on l'a vu par les débuts précédents, n'est pas la simple attribution d'un nom, mais l'énoncé d'une action possible : le mot se borne presque à traduire, à ce niveau, l'organisation de schèmes sensori-moteurs qui pourraient se passer de lui. La première question est de savoir comment, de ce langage accroché à l'acte immédiat et présent, l'enfant procède à la construction de représentations verbales proprement dites, c'est-à-dire de jugements de constatation et non plus seulement de jugements d'action [...] Les récits débutent précisément à la limite du stade précédent et de la période dont nous abordons l'analyse [PIA FS 236].

Ces conduites (obs. 104) nous font assister à ce moment décisif où le langage en formation cesse d'accompagner simplement l'acte en cours pour reconstituer l'action passée et en fournir ainsi un début de re-présentation. Le mot commence alors à fonctionner comme signe, c'est-à-dire non plus comme simple partie de l'acte mais comme évocation de celui-ci [PIA FS 237].

Un pas de plus est franchi lorsque le récit se prolonge jusqu'à s'actualiser, pour ainsi dire : il accompagne alors de nouveau l'action en cours, comme le langage initial, mais en la décrivant au lieu d'en faire partie intégrante. La description devient ainsi représentation actuelle, doublant la présentation perceptive dans le présent aussi bien qu'à l'égard du passé [PIA FS 237].

10.2. Représentation mentale

L'adaptation représentative prolonge en un sens exactement ce processus (d'adaptation sensori-motrice), mais à de plus grandes distances spatio-temporelles, rendues possibles grâce à l'évocation des objets et des événements en dehors du champ perceptif, par le moyen des images symboliques, des signes et de la pensée. [PIA FS 283].

Le propre de la représentation est de dépasser l'immédiat en accroissant les dimensions dans l'espace et dans le temps, du champ de l'adaptation, donc d'évoquer ce qui déborde le domaine perceptif et moteur [PIA FS 286].

Il existe entre l'intelligence sensori-motrice et l'intelligence conceptuelle les quatre différences fondamentales suivantes [...]
1° Les connexions établies par l'intelligence sensori-motrice ne parviennent à relier que des perceptions et mouvements successifs sans une représentation d'ensemble qui domine les états, distincts dans le temps, des actions ainsi organisées et qui les réfléchisse en un tableau total et simultané [...]
2° Par conséquent, l'intelligence sensori-motrice tend à la réussite et non pas à la vérité : elle trouve sa satisfaction dans l'arrivée au but pratique poursuivi et non pas dans la constatation (classement ou sériation) ou dans l'explication. C'est une intelligence purement vécue (une intelligence des situations, comme dit M. Wallon) et non pas pensée.
3° Son domaine étant délimité par l'emploi des instruments perceptifs et moteurs, elle ne travaille que sur les réalités elles-mêmes, leurs indices perceptifs et signaux moteurs, et non pas sur les signes, les symboles et les schèmes qui s'y rapportent (concepts et schèmes représentatifs).
4° Elle est donc essentiellement individuelle par opposition aux enrichissements sociaux acquis grâce à l'emploi des signes [PIA FS 252].

Il semblerait donc que pour passer de l'une à l'autre de ces deux formes d'intelligence, quatre conditions suffisent, qui pourraient être remplies simultanément :
1° Une accélération générale des mouvements, les actions successives fusionnant en un raccourci mobile de l'action d'ensemble : le déroulement rapide du film de la conduite constituerait ainsi la représentation intérieure, conçue comme l'ébauche ou le schème anticipateur de l'acte.
2° Une prise de conscience qui éclaire cette esquisse raccourcie, c'est-à-dire qui déroule le film dans les deux sens : la constatation et l'explication fondées sur la classement hiérarchique et la sériation des rapports remplacerait ainsi la simple poursuite du but pratique.
3° Un système de signes se surajoutant aux actions permettrait la construction des concepts généraux nécessaires à ces classifications et sériations.
4° La socialisation qui accompagne l'emploi des signes insèrerait la pensée individuelle dans une réalité objective et commune.
Ces conditions peuvent même se réduirent à deux : A) un système d'opérations transposant les actions extérieures à sens unique en actions mentales mobiles et réversibles (conditions 1 et 2); B) une coordination interindividuelle des opérations assurant à la fois la réprocité générale des points de vue et la correspondance du détail des opérations et de leurs résultats (conditions 3 et 4) [PIA FS 253].

[...] cette assimilation présentant le caractère remarquable d'être réversible, c'est-à-dire qu'au lieu de déformer les objets en les réduisant à l'activité propre, elle les relie les uns aux autres par des connexions susceptibles de se dérouler dans les deux sens [PIA FS 255].

L'assimilation représentative est caractérisée par le fait que les objets non actuellement perceptibles auxquels est assimilé l'objet perçu sont évoqués grâce à des "signifiants", qui les rendent présents à la pensée à défaut de présence réelle.
La représentation naît donc de l'union de "signifiants" permettant d'évoquer les objets absents avec un jeu de signification les reliant aux éléments présents. Cette connexion spécifique entre des "signifiants" et des "signifiés" (ou "significations") constitue le propre d'une fonction nouvelle, dépassant l'activité sensori-motrice, et que l'on peut appeler de façon très générale la "fonction symbolique" [...] Cette différenciation entre deux sortes de schèmes, les "signifiants" et les "signifiés", est précisément rendue possible par celle de l'accommodation et de l'assimilation, c'est-à-dire de l'imitation et des mécanismes assimilateurs de l'intelligence et du jeu [PIA FS 292-293].

Un signe, tel que le conçoivent les linguistes de l'école saussurienne, est un signifiant "arbitraire", lié à son signifié par une convention sociale et non pas par un lien de ressemblance. Tel sont le mot, ou signe verbal, et le symbole mathématique (qui n'a donc rien d'un symbole dans la terminologie que nous faisons nôtre ici) [...] Le symbole, selon la même école linguistique, est au contraire un signifiant "motivé", c'est-à-dire témoignant d'une ressemblance quelconque avec son signifié. Une métaphore, par exemple, est un symbole [PIA FS 179].

L'image est une esquisse d'imitation possible [...] L'imitation représentative précède l'image, et ne la suit pas, le symbole intérieur étant ainsi un produit d'intériorisation [PIA FS 72-73].

A l'accommodation aux données présentes s'ajoute une accommodation imitatrice aux données non perceptibles, de telle sorte que, outre la signification de l'objet actuel, fournie par l'assimilation perceptive, interviennent également les significations assimilatrices liées aux signifiants que constitue l'évocation imitative [PIA FS 293].

Sur le plan représentatif, les accommodations sont donc doubles : actuelles (accommodations simples) et antérieures (imitations représentatives et images); et les assimilations également : actuelles (incorporation des données aux schèmes adéquats) et antérieures (connexions établies entre ces schèmes et d'autres dont les significations sont simplement évoquées, sans être provoquées par la perception présente) [PIA FS 256].

Or, étant données ces différenciations, il va de soi que l'équilibre ne saurait se réaliser d'emblée sur le plan représentatif, et que le chemin déjà parcouru sur le plan sensori-moteur est à refaire sur ce nouveau palier jusqu'à coordination complète des différents processus ainsi différenciés.
De même que l'assimilation propre aux stades sensori-moteurs commence par être centrée sur l'activité propre pour se décentrer graduellement jusqu'au terme de cette première période (sensori-motrice) du développement, de même l'assimilation représentative débute par un mécanisme de centration [...]
En présence d'objets successifs qu'il compare pour les réunir en classes, en tirer des relations, et pour combiner celles-ci ou celles-là en des raisonnements, l'enfant qui accède à la vie représentative ne parvient pas à mettre à la même échelle les objets donnés actuellement et les objets antérieurs auxquels il les assimile.
Selon ses intérêts et l'objet qui a frappé son attention au point de départ de ses actions, il centre, en effet, cet élément ou l'un quelconque des éléments et lui assimile alors les autres directement [...]
De plus, par le fait même que l'un des éléments est ainsi centré à titre de prototype ou d'exemple représentatif de l'ensemble, le schème de cet ensemble, au lieu de parvenir à l'état abstrait qui caractérise un concept, demeure attaché à la représentation de cet individu-type, c'est-à-dire à une image.
A l'assimilation incomplète parce qu'irréversible qui caractérise le schème préconceptuel, correspond donc une accommodation incomplète parce que centrée elle aussi sur un objet, dont elle constitue l'image à titre de "signifiant" du schème. Il s'ensuit alors que l'assimilation et l'accommodation actuelles, c'est-à-dire relatives aux objets nouveaux et non pas au prototype, demeurent l'une déformante et l'autre inadéquate, d'où l'instabilité de leur équilibre. C'est pourquoi le préconcept est relié par une série de termes intermédiaires aux symboles ludiques [...] et par une autre série de termes intermédiaires aux imitations représentatives [PIA FS 256-257].

Ces fonctions (assimilation et accommodation) doivent repasser par les mêmes étapes, et dans le même ordre, que durant les premiers mois de l'existence. L'accommodation au point de vue social n'est pas autre chose, en effet, que l'imitation et l'ensemble des opérations permettant à l'individu de se soumettre aux exemples et aux impératifs du groupe. Quant à l'assimilation, elle consiste, comme précédemment, à incorporer la réalité à l'activité et aux perspectives du moi [PIA CR 317].

11. Grandes étapes du développement de l'apprentissage humain ( Paragraphe Précédent / Début )

La liste suivante donne les grandes étapes du développement de l'apprentissage humain selon Piaget (version 1947).
Ce découpage en stades fournit des repères commodes pour situer le niveau d'une capacité cognitive. En revanche, "il ne se réfère pas à des âges précis et n'exige qu'un ordre de succession constant des acquisitions [MON Piaget et les sciences, 91]."
Les paragraphes Assimilation-Accommodation-Coordination-Représentation ont été rajoutés par l'auteur de ce site à titre informatif.

11.1. Nourrisson - Période dite sensori-motrice (0 à 2 ans) - Stade 1

Stade 1 - Exercice des réflexes (0 à 1 mois) [PIA PI 108]

11.2. Nourrisson - Période dite sensori-motrice (0 à 2 ans) - Stade 2

Stade 2 - Premières adaptations acquises : habitudes motrices et perceptions organisées (1 à 4 mois) [PIA PI 109]

11.3. Nourrisson - Période dite sensori-motrice (0 à 2 ans) - Stade 3 à 6

Stades 3 à 6 - Intelligence sensori-motrice ou pratique (4 mois à 2 ans)
Stade 3 - Intelligence empirique (4 à 8 mois) [PIA NI 135][PIA PI 109]
Stade 4 - Intelligence empirique (8 mois à 1 an) [PIA NI 135][PIA PI 111]
Stade 5 - Intelligence empirique (1 an à 16 mois) [PIA NI 136][PIA PI 112]
Stade 6 - Intelligence systématique (16 mois à 2 ans) [PIA NI 136][PIA PI 114]

11.4. Petite enfance - Période d'intelligence intuitive ou prélogique (2 à 7 ans)

Stades 1 et 2 (2 à 7 ans)
Stade 1 - Pensée symbolique et préconceptuelle (2 à 4 ans)
Stade 2 - Pensée intuitive (4 à 7 ans)

11.5. Enfance - Période de pensée concrète ou logique (7 à 12 ans)

Stade

11.6. Adolescence - Période de pensée formelle ou hypothético-déductive ou inter-propositionnelle (12 ans à âge adulte)

Stade



Le chapitre suivant est une proposition de description fonctionnelle du système nerveux du nourrisson (voir chapitre Description fonctionnelle), en déclinaison de la théorie de l'apprentissage de Jean Piaget.



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